Les compétences transversales – ou soft skills, pour reprendre l’acception la plus proche et la plus commune en langue anglaise – désignent souvent un ensemble de compétences telles que la communication, la créativité, le travail en équipe, la résolution de problèmes, la gestion de conflits, etc., que l’on distingue des connaissances et des compétences techniques (dites hard skills), et qui sont devenues un enjeu de premier plan dans le processus de recrutement. Depuis une dizaine d’années, en France, et de façon exponentielle, la littérature experte et la presse spécialisée s’attachent à rappeler l’importance de ces facultés qui, à niveau de diplôme équivalent a minima, s’avèrent déterminantes dans le choix final de la personne qui candidate à un poste (Mauléon et al., 2014).
Une enquête récente et souvent citée du Céreq montre également qu’à poste équivalent, les personnes dotées de certaines compétences transversales obtiennent un meilleur niveau de rémunération que les autres (Albandea et Giret, 2016). Dans le monde académique, la place des compétences transversales – qui sont parfois désignées par la négative, en tant que « compétences non-académiques » (Duru-Bellat, 2015)1– fait l’objet d’une nouvelle attention, liée aux poli- tiques publiques de valorisation de ce que l’on appelle de façon générique « l’en-
gagement étudiant ». Celle-ci pose la question des conditions d’égalité de l’accessibilité aux outils qui accompagnent leur institutionnalisation (Bauvet, 2019).
Jusqu’ici, ce domaine reste principalement exploré d’un point de vue normatif par le monde du management et de la gestion, à partir de l’intérêt à déceler les potentiels individuels permettant de répondre efficacement à la demande de l’employeur en situation professionnelle. Les définitions des soft skills, leur nombre, les relations entre elles, la formalisation de leur évaluation, etc.,
Résonnant désormais en de nombreux endroits de la société contemporaine, elles s’invitent ainsi dans le débat public et constituent un enjeu essentiel en termes de reconnaissance sociale.
A partir de la littérature existante et de résultats de recherches-actions menées dans le cadre des programmes de l’association Article 1 à destination des étudiant.e.s – notamment le programme interne MA1SON (Laluque et Walbaum 2017) –, le présent article cherche à saisir les enjeux d’un processus de reconnaissance et de développement des compétences transversales en questionnant la mobilisation (tacite) de capitaux professionnels dans le processus d’accès à l’emploi. L’objectivation (complexe) des soft skills apparaît comme une piste fertile, mais complexe, dans le processus de reconnaissance professionnelle pour des individus de plus en plus contraints à l’adaptation dans les organisations qui les forment et/ou les emploient. Il s’agit d’en saisir les contours en saisissant leur position dans l’économie symbolique de la valeur professionnelle à travers des outils tels que les référentiels, puis en interrogeant leurs possibilités d’appropriation ou de réappropriation par les individus.